La parole face au harcèlement sur le lieu de travail connaît de véritables soulèvements moraux. C’est un sujet sociétal qui touche de nombreuses entreprises, et les victimes sont de plus en plus nombreuses à se faire entendre. Lois, formations, séminaires : le harcèlement et la manipulation sont en première ligne. Qu’en est-il de la perversion narcissique au travail ? Le pervers narcissique, souvent insoupçonnable et tyrannique, agit dans l’ombre : voici comment repérer et y faire face.
12 signes pour repérer un pervers narcissique au bureau
C’est l’employé parfait par excellence. Un collègue ou un supérieur hiérarchique, dont vous reconnaissez volontairement la gentillesse. Très impliqué dans son travail, voire même perfectionniste, il est au top de la productivité de l’entreprise. Jusqu’au jour où tout bascule. Voici 13 signes permettant de repérer les pervers narcissiques au travail.
1. Le professionnel parfait
Salvador Dali disait de ne pas craindre d’atteindre la perfection, qu’elle est inatteignable. Il semblerait que le pervers narcissique face acte de cette exception. Sa perversité et son jeu de comédien sont proches de la perfection dans son rôle de professionnel. Le pervers narcissique est doté d’un très fort charisme. Parfaitement conforme et sociable, c’est un leader brillant, un collègue idéal, un supérieur compréhensif et souriant. L’archétype du professionnel irréprochable.
2. Son mode opératoire
Le pervers narcissique ne se définit que dans sa relation à l’autre. Pour se définir ainsi, il lui faut une proie, une victime sur qui il placera toute son emprise. Lorsque la séduction s’installe, le masque tombe et commence alors la descente aux enfers pour celle sur qui il a placé ses griffes. Perte de confiance et de repères, destruction, idées noires. Le pervers narcissique prend le contrôle sur sa victime. Il la pousse bien au-delà de ses limites, dans ses plus lointains retranchements. La destruction psychique est en place, bien loin d’un idéal de relation professionnelle saine.
Il identifie parallèlement tous les autres employés pour en faire des alliés, créer une bulle, un mirage. De la flatterie à l’imitation (langagière, vestimentaire), ses stratégies n’ont aucune limite.
Il met également de côté ceux qui ne lui seront d’aucune utilité : l’entreprise, comme sa vie, est un plateau d'échecs dont il peint les pions et les déplace à sa guise.
3. Un objectif unique
Le pervers narcissique est un individu dont l’unique objectif est la conquête du pouvoir et de la destruction. Gravir les échelons, recevoir une promotion ou encore conserver son poste. Pour asseoir sa soif de pouvoir, il use de stratagèmes tels que la manipulation, la dévalorisation ou encore la culpabilisation. Il reporte la responsabilité sur les autres et n’hésite pas à s’en servir comme des faire-valoirs qui cachent en réalité une profonde incompétence de sa part. Sa capacité de nuisance est immense, et il n’hésite pas à s’en servir. Sa persévérance est sans limite, et dénué d'empathie, il n’hésite pas à adopter la position de bulldozer : rien ne l’arrête.
4. Face cachée
La caractéristique bien particulière des pervers narcissiques est leur face cachée. En effet, ils agissent et avancent dans l’ombre. C’est une caractéristique les rendant d’autant plus difficiles à repérer, identifier et dénoncer. Leur démarche est froide, et malgré leur ambition de pouvoir et leur soif de destruction, ils se cachent sous des airs de faux modestes.
Ils accumulent de l’information sans trop parler d’eux afin de repérer les différents pions dont il peut se servir (victime, associé..), ils conservent le même entourage professionnel et cloisonnent leurs relations.
Le manipulateur pathologique s’affaire à construire sa pièce de théâtre dans l’ombre du spectacle dont il est le directeur artistique, afin d’affirmer son pouvoir et d’être le maître d’orchestre. En gardant cette vision d’ensemble et cette place centrale, il a ainsi moins de chance d’être découvert : moins ses collègues échangent, moins ses fausses notes sont découvertes. Car c’est une de ses plus grandes peurs : être découvert.
5. L’humiliation en public.
Le pervers narcissique adore humilier. C’est non seulement un moyen de garder la première place du podium de son jeu mais c’est aussi un outil de manipulation et d’emprise. Un moyen de déstabilisation autant qu’un moyen d’asseoir sa loi du silence dans l’entreprise. Le manipulateur humilie sous couvert d’humour et d’une trop grande sensibilité de l’autre..il gagne ainsi du terrain.
6. Chaud et froid
Le pervers polymorphe est un spécialiste psychique de la douche écossaise relationnelle. Il est tantôt heureux, tantôt crispé, tantôt souple et tantôt rigide. Ses sautes d’humeur l'accompagnent, tout comme son comportement dont les griffes acérées laissent des traces dans la peau de quiconque est sur son chemin. Il félicite puis accable, complimente puis humilie. C’est cette paradoxalité qui perturbe et sème le doute, la confusion : il installe encore une fois son pouvoir, sa toute puissance narcissique.
7. Il reste flou
Dans la continuité de cette douche nordique, le pervers narcissique est flou. C’est une méthode de déstabilisation dont il n’hésite pas à user pour manipuler la vérité et ainsi avoir le dessus sur sa victime.
Il peut ainsi se permettre de dire une chose puis son contraire, car les directives et la formulation ne sont pas claires. Il ne connaît ni détail ni fait précis : tout est superficiel. “Envoie moi le dossier”. Lequel, pour quand, comment ? “Celui dont on parle souvent”...il laisse alors à sa victime le soin de trouver quel dossier parmi les 31 en cours, les 5 jours de la semaine et par le moyen de communication qu’il change constamment (mail, dossier papier ou encore RH).
8. Exigence impossible
La route est tracée : chaud, froid et flou. Il demande maintenant l’impossible, l’absurde même. C’est une méthode imparable pour déstabiliser et faire perdre les moyens d’un individu. Il demande de rédiger un rapport de 40 pages en 15 minutes, de rencontrer 18 clients l’après-midi : des objectifs inatteignables.
Si sa victime n’est pas en capacité, c’est qu’elle est nulle. Si elle arrive tout de même à accomplir ses tâches, “c’est pas trop tôt”, “c’est du mauvais travail”, “tu as vraiment cru que tu avais ça à faire, de toute façon on a perdu le client du rapport il ne sert à rien”. Il n’a aucun scrupule. Il aime également l’urgence, rendre un dossier pour demain ou un diapo pour la réunion dans 5 minutes, qu’il devra annuler car il ne l’a pas car vous ne savez pas lire un planning...et qui n’existe de toute façon pas.
9. Martyrisation
Le pervers narcissique adore martyriser. Il couvre ses victimes de reproches injustifiés, de critiques. Il dévalorise sous toutes les coutures, sans même parfois en avoir l’air. “Ce n’est pas ce que j’ai voulu dire, c’est toi qui n’a pas compris”, “C’était de l’humour, qu’est ce que tu es susceptible!”.
Le manipulateur aime également semer la panique et la zizanie, et n’hésite pas à envoyer un mail terrifiant et tyrannique le vendredi soir à 17h59, et à placer un rendez-vous catégorie rouge dans son bureau lundi, à 8h05..
10. Piratage
Le pervers narcissique est un compétiteur par excellence. Il aime gagner et s’approprier les idées innovantes et les victoires. Vous trouvez une superbe idée ? Il se l’approprie, “c’est grâce à lui si vous l’avez trouvé”. Parfois même, la pirate directement. C’est lui le meilleur, et il doit le rester.
11. Menace et chantage affectif
La menace est son chantage affectif de prédilection. Il vous menace de vous virer, de vous dénoncer. Que si vous le dénoncez, ça va chauffer. Qu’il a des preuves contre vous. Mais toujours dans les sous entendus : il n’a rien et il est en tort.
Des articles de loi (articles L 1152-2 et L 4131-1 du Code du travail, article 122-4 du Code pénal et bien d’autres) encadrent dorénavant ces menaces en entreprise, et se faire aider d’un avocat spécialisé peut être une solution d’accompagnement, en parallèle d’une thérapie complémentaire et nécessaire.
12. Outils de manipulation
Enfin, ses outils de manipulation, nombreux et infinis. La séduction, le mensonge, le chantage affectif, le double visage, les menaces, la dévalorisation, la culpabilisation ou encore la jalousie. Il ne manque pas d’imagination pour tyranniser, détruire sa victime et tromper l’entourage professionnel et personnel. Il contrôle la situation.
Comment faire face à un pervers narcissique au travail ?
Comprendre qu’il est malade
Le pervers narcissique est malade. C’est une personnalité pathologique du registre de la psychose. Le pervers manipulateur cherche à créer de la dépendance et de la destruction. Sans sa victime, le pervers narcissique n’est rien puisqu’il puise sa jouissance dans la souffrance de l’autre. S’il manipule et qu’il blesse, c’est pour troubler l’autre. Le meilleur moyen de le contrer est alors de ne surtout pas répondre à ces perturbations toxiques. Ce n’est pas vous, c’est lui.
Éviter le contact
Il est primordial de tenter coûte que coûte d’éviter au maximum le contact oral, et de s’en tenir uniquement aux relations professionnelles. Il se saisirait de votre avis et de vos idées pour les retourner contre vous et se dédouaner de la décision et des responsabilités. S’il vous demande votre avis sur quelqu’un en particulier, un collègue par exemple, déclinez. Le pervers narcissique n’a aucune morale, il n’est pas fiable : fuyez le.
Éviter le conflit
Le pervers narcissique se nourrit du conflit. C’est un professionnel de la manipulation qui saura dénicher la moindre faille. Il appuiera au bon endroit afin de vous agacer ou de vous descendre. Il manie l’art oratoire à la perfection, et vous ne pourrez jamais gagner contre lui. Ne cédez pas à ses provocations, déclinez, et ne vous livrez pas (votre sincérité se retournerait contre vous, c’est son but ultime).
Les conversations
Le pervers narcissique est dénué d’intériorité et vous ne retirerez rien de lui. Aucune discussion profonde ou sincère n’est possible : il ne changera pas et il prendrait même vos paroles pour vous manipuler et vous détruire. Tenez-vous en à des conversations superficielles uniquement.
Rien de personnel
C’est un point essentiel de la relation dans le cadre professionnel, lorsque vous ne pouvez pas le fuir. En donnant des informations personnelles à votre sujet, vous lui donnez la clé de la porte de votre esprit. Une fois dedans, il posera ses valises et entamera le processus de destruction. Il ne ressent aucune empathie et rien ne pourra l’amadouer. Ne mentionnez ni souci ni difficulté : soyez détaché(e) face à lui.
Ne pas montrer ses émotions
Le pervers narcissique est un véritable vampire émotionnel. Il se nourrit de vos émotions ! Coupez-lui l’herbe sous les pieds : ne montrez rien, gardez votre calme voire le silence et si besoin extériorisez plus tard, c’est ainsi qu’il fuira.
Ne pas se justifier
Vous ne lui devez rien. Ni explication, ni état d’âme, pas même une once d’attention. C’est un malade pathologique qui ne veut que votre souffrance et votre destruction. Soyez clair et ne répondez que par des phrases courtes. S’il vous demande si vous n’avez pas encore fini votre dossier, contentez vous de répondre par oui ou non, sans argumenter. Il se fiche de la vérité, il ne recherche que le conflit et la culpabilité.
Préparer des réponses courtes
Préparez de courtes phrases à répondre instantanément lorsque le pervers s’acharne : “C’est ton avis”, “Personne n’est parfait”, “Je n’ai pas le temps aujourd’hui” ou encore comme l’inspiration d’un célèbre jeu télévisé : “Ma décision est irrévocable”.
Noter les faits (par écrit)
C’est une des seules façons de contrer un pervers narcissique. En effet, le pervers narcissique aime embrouiller, notamment par la parole. Notez donc ce qu’il promet ou ce qu’il demande, cela vous permettra de garder des traces. S’il vous somme par téléphone d’effectuer telle tâche, renvoyez un mail récapitulatif : “suite à notre discussion téléphonique de ce matin du 12 mai, je vous prie de trouver le dossier demandé”. Ou encore, faites un bilan des tâches demandées et demandez lui la validation par retour de mail.
N’hésitez pas non plus à le faire écrire et à lui demander de vous envoyer les instructions par écrit (mail, sms).
Numéroter ses réponses
Lorsque votre supérieur hiérarchique ou collègue vous demande inlassablement les mêmes travaux, notez le nombre de sollicitation afin de pouvoir répondre par “pour la cinquième fois..”. Cela lui montrera que vous avez compris ses attentes, et que cela s’arrête là.
Avoir un témoin, un public
Comme nous l’avons vu ci-dessus, le pervers narcissique a un double visage. Il est merveilleux en public et tyrannique en privé. Sans témoin, il est dans la toute puissance narcissique, dans une dualité perverse vampirique. Ainsi, n’hésitez pas à solliciter la présence d’un tiers (un représentant ou un collègue) afin de ne pas vous retrouver seul(e) face à lui. Cela diminue le risque conjoint de dérapages tels que l’attaque et la martyrisation.
Être entouré(e)
Les victimes de pervers narcissiques sont souvent isolées, conséquence directe de la manipulation et de l’emprise. En s’entourant, il est possible de retrouver un environnement plus équilibré et solide, et trouver la force de le repousser.
Travailler sur soi
La meilleure façon de faire fuir un manipulateur, de stopper l’emprise et de ne pas reconduire le schéma de la perversion narcissique est de travailler sur vous. Reprendre confiance, travailler sur un éventuel déficit narcissique, redéfinir vos projets et vos envies.
Il est également important de saisir les mécanismes en jeu lors de ces relations toxiques professionnelles, comme personnelles. L’aide d’un thérapeute est primordiale. C’est un moyen de se reconstruire avec l’appui nécessaire, auprès d’un professionnel compétent dans la compréhension de la pathologie narcissique et des conséquences voisines sur la victime. La thérapie en ligne est un moyen efficace et direct, qu’offre la modernité, afin de sortir de l’emprise d’un pervers narcissique dont on est victime.